Comment les navires romains étaient-ils construits? Contrairement aux Grecs ou aux Carthaginois, les Romains n'étaient traditionnellement pas des gens de la mer. Sillonner les mers n'était pas considéré comme romain et même la marine romaine n'acquit jamais le statut de branche entièrement autonome de l'armée.
La construction de navires lors de l'antiquité n'était pas fondée sur la science mais reposait principalement sur des principes et des techniques transmises de générations en générations. Les premiers constructeurs navals commençaient la construction par la coque extérieure, avant de se concentrer sur la structure du navire alors que les planches formant la coque etaient cousues. Cette méthode était tres difficile et nécessitait beaucoup d'expérience.
À partir du VIe siècle av. J.-C., les planches de la coque utilisaient des assemblages à tenons et mortaises et dans les premiers siècles après JC, les constructeurs navals méditerranéens utilisaient une méthode différente de construction qui consistait à commencer par le squelette du navire avant de procéder à l'assemblage de la coque. Cette méthode de construction est encore la méthode utilisée aujourd'hui pour construire des navires modernes. Une méthode plus systématique, elle permit aux Romains de construire des navires à l'échelle industrielle.
À la fin du quatrième siècle avant JC, les Romains avaient très peu de navires de guerre: seulement 20 navires, tous des trirèmes, tandis que Carthage avec la marine la plus puissante du monde avait des centaines de quinquerèmes beaucoup plus grands!
Prenant en compte la menace representée par Carthage, un comité fut mis en place en 311 av. JC afin de planifier le développement de la marine romaine. Les Romains capturèrent un quinquerème carthaginois qui s'était échoué en essayant de bloquer le passage de navires romains en route vers la Sicile. Les Romains copièrent le navire et construisirent des centaines de grands quinquerèmes. Cependant les copies romaines étaient loin d'être parfaites: les quinquerèmes romains étaient beaucoup plus lourds et moins manoeuvrables que les quinquerèmes carthaginois.
Les navires romains de guerre devaient être légers, rapides et très manoeuvrables. Grâce a leur légèreté, ils restaient souvent à la surface de la mer après une bataille navale, et ne coulaient pas, pouvant être ensuite remorqués au rivage. Les navires de guerre devaient également pouvoir se rapprocher de la côte, raison pour laquelle ils étaient plats sans ballast. Ils avaient un rostre souvent en bronze à la proue du navire qui servait à percer les coques ou à briser les rames des navires ennemis. Les navires du guerre utilisaient la force de propulsion du vent et la force humaine, et avaient une voile carrée et un grand nombre d'avirons de chaque côté.
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Le trirème était le navire de guerre dominant du 7ème au 4ème siècle av. JC. Il avait trois rangées (le mot trirème dérive du mot latin «triremis» signifiant «avec trois rangées de rames») avec environ 50 rameurs à chaque rangée. Contrairement à ce qui est montré dans de nombreux films, les rameurs sur les galères de combat n'étaient pas des esclaves, mais des citoyens romains et surtout des auxiliaires recrutés parmis les pérégrins c'est-à-dire les habitants des provinces de l'Empire romain (qui n'étaient pas des citoyens romains). Les quadrirèmes (quatre rangées de rameurs) et les quinquerèmes (cinq rangées) étaient encore plus grands que les trirèmes. Selon Polybius, la quinquerème romain mesurait 45m de long et 5m de large, des dimensions très grandes pour l'époque . Il avait 300 rameurs avec 90 avirons de chaque côté. Étant plus lourd que le trirème (il déplaçait environ 100 tonnes), il était aussi plus stable par mauvais temps et plus rapide. Une quinquerème de 100 tonnes approchant à grande vitesse pouvait complètement le pulvériser un navire ennemi.
Rome testa et améliora ses navires de guerre durant les Guerres Puniques qui durèrent 23 ans. La Première Guerre Punique commença lorsque Messana (aujourd'hui la ville de Messine) demanda à Rome d'expulser les Carthaginois de son territoire. Prenant en compte la proximité menaçante des Carthaginois, Rome saisit l'opportunité d'une présence stratégique en Sicile et "s'occupa" de la menace carthaginoise. Elle envoya 230 navires romains de guerre et 100 cargos soit environ 100 000 rameurs et 40 000 soldats! Après plus de deux décennies de combats et un certain nombre de batailles navales épiques, Rome réussit à vaincre la marine la plus puissante du monde pour devenir la puissance navale dominante en Méditerranée ou la Mare Nostrum ("notre Mer ") comme le disaient les Romains.
Une autre fonction des navires militaires romains était de patrouiller la mer Méditerranée et de parfois escorter les navires romains marchands. Au cours de l'Empire, il était assez fréquent de voir les énormes galères de la marine romaine patrouiller la Méditerranée à la recherche de pirates et escortant de grands navires marchands. La mer Méditerranée resta en fait une mer assez sûre jusqu'à l'effondrement de l'Empire romain d'Occident au 5ème siècle après JC.
La fonction principale du navire marchand était de transporter une grande quantité de marchandises sur de longues distances et à un coût raisonnable. Les navires romains marchands transportaient des marchandises agricoles, par exemple de l'huile d'olive provenant de Grèce, du vin, du grain de la vallée du Nil en Egypte, et des matières premières telles que le marbre, du granit, des barres de fer ou de cuivre, du plomb en lingots, etc. Contrairement aux navires de guerre, les navires marchands ne devaient pas nécessairement être rapides ou manoeuvrables. Etant ancrés dans les ports de la Méditerranée, ils n'avaient pas besoin d'une coque plate comme les navires romains de guerre et avaient une double-coque en forme de V et un ballast qui les rendait plus stables et qui leur permettant de transporter des marchandises lourdes.
La capacité d'emport des navires marchands variait entre 70 à 600 tonnes pour les plus grands navires. La plupart des navires romains avaient une capacité de chargement de 100 à 150 tonnes, 150 tonnes étant la capacité d'un navire transportant 3000 amphores. Les plus gros navires, d'une capacité de 600 tonnes, mesuraient 46m de long. Certains navires romains comme le Isis avait un tonnage égal à 1200 et mesurait près de 55m de long pour 14m de large, avec un de creux de 14m. Cet immense navire pouvait transporter mille tonnes de céréales ou assez pour alimenter une ville entière pendant un an! Cependant si on le compare aux navires modernes, un porte-conteneurs de type Panamax a une longueur de 290m et une capacité de transport de 52 500 tonnes (DWT) ou 44 fois la capacité du navire Isis. Néanmoins, les navires romains marchands étaient énormes pour leur époque et après l'effondrement de l'Empire romain il fallut attendre jusqu'au 16ème siècle après JC pour voir des navires de dimensions égales.
Les navires marchands utilisaient principalement la force de propulsion du vent. Ils avaient de un à trois mâts avec de grandes voiles carrées et une petite voile triangulaire appelée le supparum à l'avant. Ils avaient aussi des rameurs (généralement des esclaves).
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Dans un monde où les instruments de navigation tels que le GPS ou même la boussole n'existaient pas, on peut se demander comment les Romains arrivaient à naviguer. Notons que la boussole était déjà utilisée en Chine à partir du deuxième siècle avant JC mais qu'elle n'apparaîtra en Europe qu'au 14ème siècle. Connaître la direction du nord est l'une des choses les plus élémentaires pour naviguer en pleine mer, le navigateur devant savoir à tout moment dans quelle direction il se dirige (le nord, le sud, l'est ou l'ouest). Les Romains tirèrent leur connaissance de la navigation des Phéniciens, les prédécesseurs des Carthaginois. Quant aux Phéniciens, ils avaient appris l'astronomie des Chaldéens de Chaldée, une nation sémitique située à l'extrémité du sud-est de la Mésopotamie et qui exista à partir de la fin du 10ème siècle avant JC (ou au début du 9ème) jusqu'au milieu du 7ème siècle avant JC. Selon Pliny, les Phéniciens appliquèrent leur connaissance de l'astronomie à la navigation en mer pour devenir les meilleurs marins de leur temps. Par exemple, les marins phéniciens savaient que la constellation de la Petite Ourse orbitait le pôle Nord céleste dans un cercle plus etroit que la Grande Ourse et utilisaient ainsi la Petite Ourse pour situer le nord de facon plus précise. Il y avait d'autres moyens, moins précis, utilisés par les marins pour determiner leur direction. Par exemple, les marins romains observaient le soleil à midi ou la direction des vagues et du vent.
Les marins romains naviguaient le long des côtes chaque fois qu'ils étaient en mesure de le faire ce qui facilitait considérablement la navigation, l'un des avantages de la Méditerranée étant la proximité des côtes et le grand nombre d'îles (par exemple en Grèce). Les marins naviguaient en notant leur position par rapport à une succession de repères reconnaissables et à l'aide de cartes marines qui existaient déjà dans l'antiquité. Les premières cartes marines pour des voyages côtiers en Méditerranée étaient écrites en grec. Ces cartes (periploi en grec) furent introduites au 4ème siècle avant JC. En 50 après JC, il y avait des cartes marines écrites en latin et en d'autres langues non seulement pour la Méditerranée, mais aussi pour des itinéraires le long de la côte atlantique de la France et de l'Afrique et pour des itinéraires au-delà du Golfe Persique et même de l'Inde.
Le pilotage de ces anciens navires romains était loin d'être facile. Les anciens navires romains n'avaient pas tous les équipements des navires modernes et utilisaient seulement l'énergie éolienne et l'énergie humaine. Tout comme avec les voiliers modernes, les marins devaient bien comprendre la météo, comment faire fonctionner les trois grandes voiles en fonction de la direction du vent et dans diverses conditions météorologiques. Un autre défi tant que dans les navires marchands que dans les navires de guerre était la coordination des rameurs. Les rameurs qui n'étaient pas bien coordonnés étaient moins efficaces et pouvaient même frapper les rames des autres rameurs. Afin de coordonner les plus de cent rameurs, une personne jouait d'un instrument à vent ou parfois d'un instrument de percussion. Une autre façon de coordonner les rameurs était de faire des gestes et des signes de la main un peu comme un chef d'orchestre menant un orchestre.
Il n'y avait pas de navires de transport de passagers à Rome au premier siècle après JC. Pas de navires de croisière de luxe ou de navires romains similaires. Les gens souhaitant voyager par navire devaient embarquer un navire marchand. Ils devraient d'abord trouver un navire, et ça pouvait être presque n'importe quel type de navire et ils devaient obtenir l'approbation du capitaine. Le prix devait également être négocié avec le capitaine. La plupart du temps, les passagers apportaient leurs propres nourriture, des couvertures, matelas, même une tente, et dormaient sur le pont! Il y avait parfois des centaines de personnes sur le pont. Il n'y avait ni restaurants ni tous les luxes des navires modernes mais les passagers pouvaient utiliser les installations du navire pour cuisiner. Les passagers jouaient souvent à des jeux, lisaient ou simplement buvaient du vin.
Certains navires marchands avaient des cabines généralement situées à l'arrière réservées aux Romains les plus riches qui ne dormaient jamais sur le pont.
Les riches Romains possédaient souvent leurs propres navires, l'équivalent des riches d'aujourd'hui possédant leurs propres yachts. Fait intéressant: une loi romaine de 218 avant JC interdisait aux sénateurs de posséder des navires ayant une capacité d'emport de 300 amphores. La loi fut écrite pour empêcher les sénateurs et la classe patricienne en général de s'engager dans le commerce et les forcer a se contenter de l'agriculture pour générer de la richesse.
Il y avait un grand nombre de navires marchands sillonnant la mer Méditerranée, suivant des horaires et des itinéraires plus ou moins réguliers, et apportant des approvisionnements des provinces (d'Egypte, de la Gaule, de la Grèce, etc.) aux ports de la péninsule italienne. Des marchandises du monde entier arrivaient au port de Pozzuoli, situé à l'ouest de la baie de Naples ou au port géant d'Ostie situé à l'embouchure du Tibre.
De grands navires marchands s'approchaient du port tous les jours et étaient interceptés par des remorqueurs. On estime que 1200 grands navires marchands atteignaient le port d'Ostie chaque année ou environ cinq par jour! Notons que la navigation commerciale en Méditerranée étaient suspendue durant les quatre mois d'hiver. Les Romains appelaient cette période mare clausum.
Le temps de déplacement le long des nombreuses voies de navigation pouvait varier considérablement. Les navires sillonaient généralement la mer Méditerranée à des vitesses moyennes de 4 ou 5 nœuds. Les navires les plus rapides atteignaient des vitesses moyennes de 6 noeuds. Un voyage d'Ostie à Alexandrie en Egypte prenait environ 6 à 8 jours selon les vents. Voyager du sud au nord de la Méditerranée ou d'est en ouest prenait habituellement plus de temps en raison des vents défavorables.
Outre les navires militaires et les navires marchands, il y avait de plus petits navires de pêche, d'autres navires auxiliaires d'usages divers et des navires privés de Romains très riches.
Faits intéressants sur les navires romains
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